La Société Civile Immobilière (SCI), est une forme d’entreprise en France qui sert spécifiquement à gérer et à détenir des biens immobiliers. Imaginez-la comme un club privé où les membres, appelés associés, mettent en commun leur bien immobilier, ou leur argent pour en acheter un. La SCI s’occupe ensuite de l’administration de ces biens, que ce soit pour louer un appartement ou pour entretenir une maison. Elle est très appréciée car elle permet d’organiser la propriété immobilière de manière flexible. La SCI peut aussi s’avérer être un outil pour faciliter la gestion et de préparer la transmission des biens aux enfants ou à d’autres membres de la famille.

Force est de le constater: l’engouement pour la Société Civile Immobilière (SCI) ne cesse de grandir parmi les français.

Mais « monter une SCI », est-ce toujours une bonne idée ?

En tant que notaire, j’observe que mes clients sont souvent à la recherche de structures juridiques permettant une gestion immobilière optimisée à plusieurs niveaux. La SCI peut en effet s’avérer un outil puissant mais ne remplit cependant pas toutes les croyances populaires. Où commence le mythe, et s’arrête la réalité ? Je suis Maître Jean-Baptiste BULLET, notaire à CHEVILLY-LARUE (94). Et je vais aujourd’hui vous partager ce que je considère être les 5 (vraies) raisons que je trouve fondamentales pour lesquelles créer une SCI peut s’avérer judicieux.

1. Éviter l’indivision, rigide et précaire.

La première des raisons de créer une SCI est d’éviter le régime de l’indivision. L’indivision se produit lorsque plusieurs personnes détiennent des droits sur un même bien. Vous trouverez le régime de l’indivision consacré par le Code Civil dans le chapitre des successions. Vous pouvez vous retrouver en indivision suite au décès d’un proche, ou même par choix. Ce sera votre cas si vous êtes deux concubins qui achetez ensemble un bien immobilier sans être mariés.

Je décris l’indivision comme « rigide » car les décisions doivent être prises conjointement. Le Code Civil, à son article 815-3, précise les règles d’administration de gestion en indivision. Par exemple, pour signer un bail d’habitation à un locataire, la majorité des 2/3 est nécessaire. Mais pour vendre le bien ? Et bien c’est l’unanimité qu’il faut: l’accord de tout le monde. Cela peut donc mener à des blocages si les co-indivisaires ne sont pas d’accord entre eux.

Je qualifie également l’indivision de « précaire » car dès l’article 815 du Code Civil il est indiqué: « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision« . Donc vous pouvez théoriquement sortir n’importe quand de l’indivision, c’est la loi. Mais dans les faits, ce n’est pas si facile. L’article poursuit « le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention« . Vous pourrez le constater: à défaut d’accord entre vous (« convention« ) vous devrez nécessairement passer devant le juge.

La SCI permet donc en effet d’éviter le régime de l’indivision. C’est une première bonne raison de la constituer.
Dans vos statuts de SCI, vous allez définir les règles de fonctionnement et organiser la gestion quotidienne de votre bien immobilier. Nous allons le voir dans le point suivant.

 

2. Une gestion souple et maîtrisée de votre bien immobilier

La SCI permet une gestion souple et maîtrisée de votre patrimoine immobilier. Les statuts de la SCI précisent les modalités de gestion. Ils peuvent soit répartir démocratiquement les pouvoirs, soit au contraire attribuer une grande liberté décisionnaire au(x) gérant(s). Vous pouvez choisir vous-même où placer le curseur. Ainsi, vous allez pouvoir dans vos statuts de SCI affiner aussi précisément que vous le souhaitez les règles qui régiront la propriété et la détention de votre bien immobilier.

Les statuts peuvent par exemple prévoir les règles de répartition des pouvoirs entre le gérant et l’assemblée générale des associés. Ou encore les règles de rémunération d’un apport en compte courant d’associé. Ou encore même les règles de retrait ou d’exclusion d’un associé.

Dans tous les cas, les statuts offrent ainsi aux associés une grand clarté dans l’administration de leur(s) bien(s). Tout est écrit noir sur blanc. Les associés déterminent ensemble les orientations stratégiques, et le gérant, désigné par les associés, s’occupe de la gestion quotidienne.

 

3. Prévenir l’intrusion d’associés non souhaités

Une des autres raisons de créer une SCI non négligeable est le contrôle sur le transfert des parts sociales.
Imaginons qu’un associé veuille vendre, ou décède. Que se passe-t-il ? La personne qui rachète les parts ou ou qui en hérite devient-elle automatiquement associée ?

Et bien non, contrairement à l’indivision où les règles légales ou un testament peuvent entraîner l’arrivée soudaine de nouveaux propriétaires sur un bien, il existe une protection dans la SCI. Grâce à la « clause d’agrément », vous pourrez contrôler qui peut devenir associé au sein de votre SCI. Cela aura pour effet d’empêcher ainsi l’arrivée de tiers non désirés en cas de cession de parts ou de succession. Vous devrez donc bien veiller à insérer cette clause dans vos statuts de SCI, et à réfléchir à ce que vous y insérez. Allez-vous autoriser automatiquement tout héritier (conjoint, enfant, etc.) à devenir associé ? Ou au contraire allez-vous les soumettre également à l’agrément des associés ? A vous d’en décider, mais une chose est sûre: vous aurez un rempart juridique à l’entrée de tout tiers dans votre projet immobilier.

 

4. Transmettre plus facilement

Vous souhaitez transmettre un bien immobilier à vos enfants ?
Grâce à une répartition en « parts », la SCI offre une grande flexibilité dans la transmission. En effet, il est plus aisé de transférer des parts de SCI numérotées que de transmettre un bien immobilier en direct. C’est d’ailleurs une des raisons pour créer une SCI qui fonctionne bien dans le temps. Ce mécanisme peut en effet être avantageux pour anticiper votre succession. Vous pourrez donner un nombre très précis de parts et ainsi optimiser l’abattement sur les donations. C’est pourquoi je recommande souvent de créer des SCI avec un nombre important de parts. Par exemple 10000 parts. Comme chaque part est « indivisible », vous pourrez ainsi plus facilement affiner, avec précision, le montant de vos donations.

Vous pouvez transmettre petit à petit des parts de SCI en fonction des règles d’abattement successoraux (100.000€ par parent et par enfant, tous les 15 ans, en l’état actuel du droit en 2023). Vous pouvez donc imaginer donner des parts à une date, puis donner d’autres parts 15 ans plus tard. Ainsi, vous optimiserez la transmission fiscale de votre patrimoine à vos enfants.

 

5. Optimiser de votre capacité d’emprunt

Lorsqu’il s’agit d’investir dans l’immobilier, l’aspect financier est souvent le nerf de la guerre. Les conditions de financement peuvent grandement influencer la rentabilité d’un projet. Les membres d’une SCI bénéficient de la possibilité de mettre en commun leurs capacités d’emprunt.

Imaginons un bien immobilier d’une certaine valeur que plusieurs individus souhaitent acquérir ensemble. Individuellement, chaque associé pourrait se heurter à des limites de financement en raison de sa capacité d’emprunt personnelle ou des taux d’intérêt élevés. En formant une SCI, ces associés mutualisent non seulement leurs ressources financières mais aussi les garanties qu’ils représentent auprès des établissements de crédit. Chaque associé pourrait ainsi être caution, ce qui peut rassurer la banque. Cela peut aboutir à l’obtention d’un prêt là où cela aurait été impossible seul en « nom propre ». C’est pour cela que je vois parfois des SCI créées dans un cercle familial, les parents par exemple prenant 30% de parts pour aider leur enfant à acheter sa résidence principale.

En outre, du fait que la SCI elle-même contracte l’emprunt pour acquérir le bien, les associés n’ont pas nécessairement à endosser personnellement l’ensemble de la dette. Cela peut alléger le fardeau financier individuel et potentiellement augmenter la capacité d’investissement global du groupe. Cette stratégie peut s’avérer particulièrement judicieuse lorsqu’il s’agit d’investissements conséquents, tels que des immeubles de rapport ou des locaux commerciaux.

Par ailleurs, autre avantage: la SCI peut aussi décider de réinvestir les bénéfices générés par la gestion de son patrimoine immobilier. Ils peuvent être gardés dans la SCI pour l’acquisition de nouveaux biens. Grâce à cet effet « levier », cela propulse ainsi une dynamique de croissance et d’expansion pour le patrimoine des associés. Toutefois, il convient de noter que la gestion d’emprunts via une SCI nécessite une bonne planification et une gestion rigoureuse pour s’assurer de la viabilité financière à long terme de la société. C’est donc pourquoi il existe dans les faits différents types de SCI.

 

La « fausse bonne idée » : l’optimisation fiscale

Attention, il est essentiel de noter que la SCI n’est pas un moyen d’éluder les droits de succession. Comme notaire, je vous mets en garde contre une idée reçue : la SCI ne permet pas de réduire les droits de succession. Ce n’est pas du tout l’une des raisons de créer une SCI. En effet, imaginons que vous êtes un couple pacsé et achetez un bien 200.000€ en « nom propre », et que vous avez 2 enfants. Vous avez un crédit que vous avez fini par totalement rembourser, le bien vaut aujourd’hui 300.000€. Au premier des deux décès on retrouvera donc dans votre patrimoine votre quote-part d’un bien valant 300.000€.
Et si vous l’aviez acheté en SCI avec un capital social de 1.000€ ? Et bien c’est pareil, on retrouvera des parts donnant attribution à un bien valant 300.000€ + votre pourcentage de capital social de la SCI (1.000€).
Donc le résultat est le même.

Nous pouvons éventuellement prétendre minorer légèrement l’évaluation car les parts de SCI rendent plus difficile la détention d’un bien. L’administration fiscale serait seule décisionnaire, mais le gain n’est vraiment à mon sens qu’infime…

⚠ Autre point
L’Impôt sur la fortune immobilière (IFI): l’abattement de 30% de la valeur de résidence principale qui existe pour l’IFI quand on détient un bien en « direct » (ou « nom propre ») n’existe plus si vous détenez votre résidence principale via une SCI. C’est un point à bien prendre en considération dans le cadre de votre stratégie patrimoniale à long terme.

Renseignez-vous également sur la fiscalité de votre SCI. Si vous faites de la location meublée (Airbnb, Booking, …) vous basculerez forcément à l’Impôt sur les Sociétés, avec des conséquences importantes à ne pas négliger.
Pour aller plus loin: quel régime fiscal pour votre SCI : IR ou IS ? Découvrez la réponse dans notre article « Avantages et inconvénients de la SCI à l’IS »

Vous devez donc éviter d’imaginer la création d’une SCI comme un artifice pour réduire vos impôts ou les futurs droits de succession de vos enfants.
Voyez là plutôt comme une structure offrant une gestion plus souple et sécurisée de votre patrimoine immobilier.

Pour finir, les raisons de créer une SCI est une démarche qui doit être réfléchie et adaptée à chaque situation. Idem pour ses statuts qu’il faut toujours personnaliser, plutôt que prendre un « modèle » sur internet ou auprès d’une connaissance.

Où que vous soyez, votre notaire à votre disposition pour vous accompagner dans cette réflexion et vous conseiller sur la structure la plus adéquate pour votre projet immobilier.

Novembre 2023, Jean-Baptiste BULLET, tous droits réservés.